VEILLE JURIDIQUE

By Jennifer Constant | juillet 25 , 2025 | 01Commentaires fermés sur Le télétravail : quelles obligations légales pour l’entreprise ?

Qu’est-ce que le télétravail selon le Code du travail ?

Définition juridique du télétravail

Le télétravail désigne « toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication » (C. trav., art. L. 1222-9).

Le télétravail se caractérise par :

  • Le fait que le travail est effectué hors des locaux de l’entreprise ; il n’est pas nécessaire toutefois que tout le travail soit ainsi réalisé, le télétravailleur pouvant alterner des périodes de travail dans l’entreprise et des périodes de travail hors de celle-ci ;
  • Son caractère volontaire à la fois pour le salarié et pour l’employeur ;
  • Son caractère réversible ;
  • Son caractère régulier ou occasionnel.

Le télétravail permet à l’entreprise :

  • de renforcer sa marque employeur (bien-être, conciliation vie professionnelle-vie privée, diminution de l’empreinte carbone, etc.), le télétravail constituant ainsi un bon moyen d’attirer de nouvelles recrues ou de fidéliser ses salariés, notamment ceux subissant des conditions de travail fatigantes (par exemple à cause des « open space » ou encore des transports et temps de trajet) ;
  • d’accroître la performance et la productivité des salariés ;
  • de continuer à faire travailler le salarié malgré des circonstances exceptionnelles (pandémie, intempéries, etc.) ou temporaires (temps partiel thérapeutique, retour d’un congé maternité, etc.) ;
  • de réduire les accidents liés aux trajets domicile/travail.

De son côté, le salarié peut trouver de nombreuses raisons à demander le télétravail : une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle, une réduction du temps de transport, une meilleure qualité des conditions de travail (moins de bruit, moins d’interruptions), moins de stress et de fatigue, etc. La possibilité de télétravailler peut encourager à accepter un emploi éloigné, ou à s’installer plus loin du lieu de travail, à condition d’avoir un logement assez spacieux pour que cela se fasse dans de bonnes conditions (Insee Analyses no 105, « Télétravail et présentiel : le travail hybride, une pratique désormais ancrée dans les entreprises », 5 mars 2025).

Télétravail régulier vs occasionnel

Il n’existe pas une forme de télétravail mais plusieurs types de télétravail. La fréquence du télétravail peut varier. Il peut constituer un mode d’organisation habituel pour le salarié (« télétravail régulier ») ou un mode utilisé de manière périodique, souvent pour répondre à des circonstances exceptionnelles ou à un rythme de travail (« télétravail occasionnel »).

Modalités d’application (accord collectif, charte ou accord individuel)

Le télétravail est mis en place dans le cadre d’un accord collectif ou, à défaut, dans le cadre d’une charte élaborée par l’employeur après avis du comité social économique, s’il existe (C. trav., art. L. 1222-9).

En l’absence de charte ou d’accord collectif, lorsque le salarié et l’employeur conviennent de recourir au télétravail, ils doivent formaliser leur accord par tout moyen (C. trav., art. L. 1222-9). Un écrit, ne serait-ce qu’un simple mail, reste cependant souhaitable (pour des raisons de preuve et de prévention des litiges).

Cette possibilité de recourir au télétravail en l’absence de charte ou d’accord n’est pas réservée au télétravail occasionnel : elle s’applique aussi au télétravail régulier).

Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de télétravail

Mettre en place un cadre formalisé (charte ou accord)

L’accord collectif applicable ou, à défaut, la charte élaborée par l’employeur doit comporter les mentions prévues par l’article L.1222-9 du Code du travail :

  • les conditions de passage en télétravail, en particulier en cas d’épisode de pollution mentionné à l’article L. 223-1 du Code de l’environnement, et les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail ;
  • les modalités d’acceptation par le salarié des conditions de mise en œuvre du télétravail ;– les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail ;
  • la détermination des plages horaires durant lesquelles l’employeur peut habituellement contacter le salarié en télétravail.

En outre, l’accord peut définir quels sont les postes éligibles à un mode d’organisation en télétravail.

Garantir les droits et avantages équivalents à ceux des salariés sur site

Le télétravailleur est un salarié comme les autres, titulaire d’un contrat de travail. Il bénéficie des mêmes droits et avantages légaux et conventionnels que les autres salariés en situation comparable travaillant dans les locaux de l’entreprise.

Le télétravailleur a ainsi le même accès à la formation et aux possibilités de déroulement de carrière que les autres salariés.

Il bénéficie également des mêmes droits collectifs : relations avec les représentants du personnel, accès aux informations syndicales, participation et éligibilité aux élections professionnelles (C. trav., art. L. 1222-9). Il doit être pris en compte dans les effectifs pour la détermination des seuils. Les télétravailleurs sont identifiés comme tels sur le registre unique du personnel.

De même, l’attribution de titres-restaurants, les conditions de travail du télétravailleur doivent être équivalentes à celles des salariés exerçant leur activité dans les locaux de l’entreprise.

Préserver la santé et la sécurité du salarié à domicile

Le télétravailleur doit bénéficier de l’ensemble des dispositions légales et conventionnelles relatives à la santé et à la sécurité au travail. L’employeur reste donc tenu de se conformer à toute la législation applicable en la matière : suivi de l’état de santé, formation à la sécurité, etc.

Une étude de la DARES (ministère du Travail) a pointé, en 2025, les risques psychosociaux associés au développement du télétravail (Dares Recherche en bref no 1, « Les risques psychosociaux associés au développement du télétravail », 27 mars 2025), notamment :

  • distanciation des rapports sociaux (diminution des interactions sociales et des relations professionnelles avec la hiérarchie et les collègues) ;
  • accroissement de l’amplitude des horaires de travail ;
  • amplification de l’hyper connectivité ;
  • brouillage des frontières et interférences avec la vie familiale ;
  • réassignation des femmes au domicile : hausse du travail domestique et de la charge mentale ;
  • risques accrus de violences en raison d’une promiscuité plus fréquente au domicile.

Cette étude souligne aussi qu’à ces risques psychosociaux, qui pèsent sur la santé mentale, s’ajoutent des risques physiques, propres au télétravail (problèmes musculo-squelettiques, tendance à la sédentarité, possibilité accrue de recourir à des substances addictives, et accidents de travail spécifiques au travail à domicile) ; ces risques doivent être identifiés par les organisations et les acteurs de la prévention et de la santé au travail.

Assurer la prise en charge des frais professionnels

L’ordonnance Macron du 22 septembre 2017 a mis fin à l’obligation pour l’employeur de prendre en charge tous les coûts découlant directement de l’exercice du télétravail, notamment les coûts des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils ainsi que de la maintenance de ceux-ci. I
Mais si cela n’est plus exigé de l’employeur, il reste souhaitable que l’accord ou la charte organisant le télétravail s’en préoccupe.

L’ANI du 26 novembre 2020 (étendu le 13 avril 2021 par A. 2 avr. 2021, NOR : MTRT2110108A, JO 13 avr.) pour une mise en œuvre réussie du télétravail suggère d’en faire un thème de dialogue social et de négociation au niveau de l’entreprise voire de la branche professionnelle.

Lorsque les frais professionnels liés au télétravail à domicile donnent lieu au versement d’allocations spéciales par l’employeur (indemnités, remboursements forfaitaires, remboursements de frais réels…), elles peuvent, sous certaines conditions, être exonérées d’impôt sur le revenu.

Télétravail et droit du travail : les points de vigilance

Compte tenu de son obligation de loyauté envers ses salariés, l’employeur doit les informer, préalablement à leur mise en œuvre, des éventuels dispositifs de contrôle de leur activité.

L’employeur ne doit pas utiliser d’outil de surveillance permanente et excessive. Dès lors, il ne peut pas :

  • demander à un salarié de se mettre en visioconférence tout au long de son temps de travail pour s’assurer de sa présence derrière son écran ;
  • exiger un partage permanent de l’écran ou utiliser des « keyloggers » (logiciels qui permettent d’enregistrer l’ensemble des frappes au clavier effectuées sur un ordinateur) ;
  • demander aux salariés d’effectuer très régulièrement des actions pour démontrer sa présence derrière son écran comme cliquer toutes les X minutes sur une application ou prendre des photos à intervalles réguliers.

Par ailleurs, la Cnil recommande aux employeurs de ne pas imposer l’activation de leur caméra aux salariés en télétravail qui participent à des visioconférences. En effet, bien que la diffusion de l’image puisse participer à la convivialité, cela peut porter atteinte au droit au respect de la vie privée, tout particulièrement aux autres personnes présentes au domicile. Seules des circonstances très particulières, dont il appartiendrait à l’employeur de justifier, pourrait rendre nécessaire la tenue de la visioconférence à visage découvert.

Accident du travail en télétravail : que prévoit la loi ?

L’article L.1222-9 du Code du travail dispose que l’accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l’exercice de l’activité professionnelle du télétravailleur est présumé être un accident de travail. Les mêmes règles s’appliquent donc que l’accident survienne dans les locaux de l’entreprise ou en télétravail.

Mise en place du télétravail : les bonnes pratiques pour les entreprises

Rédiger une charte claire ou un accord collectif

Plus l’accord ou la charte est précis, plus cela permet :

  • de prévenir les risques de dissémination d’informations confidentielles en dehors du périmètre sécurisé de l’entreprise ;
  • de prévoir l’éventuelle réorganisation logistique de l’entreprise (développement de nouveaux moyens informatiques ou adaptation de moyens existants) engendrée par le télétravail ;
  • de chiffrer l’éventuel coût financier.

Former les managers et adapter les outils

En ce qu’elle peut déstabiliser les pratiques managériales, les liens du collectif de travail et désorienter les salariés qui le pratiquent, le télétravail demande à reposer sur des modalités d’accompagnement en mesure d’optimiser son déploiement et de désamorcer les situations de blocage. Cela incitera, en premier lieu, les entreprises à prévoir des actions de sensibilisation et de formation orientées tant vers les télétravailleurs que vers les managers.

Mettre à jour le DUERP

Il est impératif de prendre en compte le télétravail dans la démarche d’analyse de risque qui doit être transcrite dans le document unique d’évaluation des risques (DUER).

Quelles sont les obligations en cas de refus ou d’imposition du télétravail ?

L’employeur peut-il imposer le télétravail ?

Le télétravail peut faire partie des conditions d’embauche ou bien être décidé par la suite ; le refus du salarié d’accepter un poste de télétravailleur n’est pas, en soi, un motif de rupture (C. trav., art. L. 1222-9).

Les cas exceptionnels : situation de crise sanitaire ou force majeure

Seule exception au caractère volontaire : le recours au télétravail en cas de « circonstances exceptionnelles ». Lorsqu’un tel motif d’activation « forcée » du télétravail est caractérisé, l’employeur peut imposer au salarié d’accomplir sa prestation de travail à distance des locaux de l’entreprise conformément à l’article L.1222-11 du Code du travail qui dispose que « en cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie, ou en cas de force majeure, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés »

Pourquoi se faire accompagner par un avocat en droit social ?

L’avocat saura vous accompagner au mieux dans la mise en place du télétravail en :

  • Sécurisant la rédaction de l’acte l’instituant ;
  • Adaptant le cadre légal à la réalité de votre entreprise.
    Ce travail permettant de faciliter le recours au télétravail et ainsi d’éviter les litiges individuels ou collectifs afférents.

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