Comment contester un licenciement pour faute grave ?
By Jennifer Constant | juillet 20 , 2025 | 01Commentaires fermés sur Comment contester un licenciement pour faute grave ?

Qu’est-ce qu’un licenciement pour faute grave ?
Définition légale et critères
La faute grave est définie comme un fait ou un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis (Cass. soc., 26 févr. 1991, no 88-44.908). Autrement dit, la faute grave se définit par sa conséquence : le manquement du salarié à ses obligations est tel qu’il justifie la cessation immédiate du contrat de travail.
La faute grave étant un manquement qui empêche le maintien du salarié dans son emploi, y compris le temps du préavis, l’employeur ne saurait tarder pour sanctionner le salarié.
Exemples de fautes graves et non graves
Par exemple, ont été considérés comme des fautes graves :
- Le coup violent porté par le salarié à l’employeur (Cass. soc., 22 nov. 2006, no 04-41.768) ;
- Le refus de porter des équipements de sécurité obligatoires (Cass. soc., 23 mars 2005, no 03-42.404) ;
À l’inverse, dans les espèces suivantes, le comportement du salarié n’a pas justifié, selon les magistrats, la cessation immédiate du contrat :
- L’agression verbale commise par le salarié dès lors qu’elle résultait de son état pathologique, conséquence du harcèlement moral dont il était victime (Cass. soc., 12 mai 2021, no 20-10.512) ;
- un vol de faible importance (deux aimants) par un salarié qui en six ans d’ancienneté ne s’était pas fait remarquer défavorablement (Cass. soc., 14 avr. 2010, no 08-43.076) ;
- le refus par un salarié de 58 ans d’accomplir certains travaux d’entretien, en invoquant son état de santé et alors qu’en 24 ans d’ancienneté ce salarié n’avait jamais fait l’objet de reproches (Cass. soc., 26 mars 2003, no 01-40.385).
Un changement majeur concerne l’abandon de poste. Il était auparavant largement qualifié de faute grave et entraînait donc un licenciement privatif d’indemnité de préavis. Désormais, il est présumé constituer une démission, si certaines conditions sont remplies, ce qui a des conséquences lourdes en matière d’indemnisation par l’assurance chômage (C. trav., art. L. 1237-1.1).
Les conséquences pour le salarié
Sauf dispositions conventionnelles plus favorables, le licenciement pour faute grave est privatif de l’indemnité de licenciement (C. trav., art. L. 1234-9).
Le maintien dans l’entreprise le temps de la procédure étant impossible du fait de la faute grave, le salarié ne peut donc prétendre à une indemnité compensatrice de préavis (C. trav., art. L. 1234-1).
En revanche, le salarié doit percevoir l’indemnité compensatrice de congés payés, s’il remplit les conditions ordinaires pour en bénéficier. Il est également éligible le cas échéant à l’allocation de retour à l’emploi versée par France Travail.
Peut-on contester un licenciement pour faute grave ?
Quand un licenciement peut-il être considéré comme abusif ?
Le salarié en désaccord avec son employeur sur la nature de la faute et sur le licenciement peut saisir le Conseil des prud’hommes. Il appartient alors au juge d’examiner les faits in concreto, au regard des conditions d’espèce, pour déterminer si le salarié avait commis une faute et si cette faute était d’une gravité telle qu’elle nécessitait un départ immédiat de l’entreprise.
Démontrer l’absence de faute ou de gravité suffisante
Le juge appréciera la légitimité du licenciement sous l’angle de l’existence de la faute invoquée et de la disproportion de la sanction à cette faute.
L’article L. 1235-1 du Code du travail dispose que « le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ».
Étapes pour contester un licenciement pour faute grave
Réunir les preuves (emails, témoignages, historique)
La charge de la preuve en matière de licenciement pour faute grave incombe à l’employeur (Cass. soc., 21 nov. 1984, no 82-43.380 ; Cass. soc., 11 déc. 1985, no 84-45.563). Autrement dit, c’est à l’employeur d’apporter la preuve de la réalité des faits reprochés étant à l’origine du licenciement pour faute grave.
Si ce dernier n’est pas en mesure de le faire alors le licenciement pourra être jugé abusif.
Si ce dernier est en mesure de le faire, alors le salarié devra répondre aux éléments versés par l’employeur aux débats en produisant ses propres pièces. Il peut s’agir de courriels, d’attestations…
En effet, les parties peuvent, si elles le jugent utile, administrer la preuve des faits par tous moyens. Toutefois, les modes de preuve illicites ou déloyaux sont en principe irrecevables.
Néanmoins, l’illicéité ou la déloyauté dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats. Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi (Cass. ass. plén., 22 déc. 2023, no 20-20.648).
L’article L. 1235-1 du Code du travail dispose que « si un doute subsiste, il profite au salarié ».
Délai pour agir et procédure à suivre
À compter de la notification de la lettre de licenciement pour faute grave, le salarié dispose d’un délai de 12 mois pour saisir le conseil de prud’hommes (C. trav., art. L. 1471-1). Sauf exception, à défaut de saisine du Conseil de prud’hommes compétent dans ce délai, la contestation du licenciement ne sera plus possible (prescription).
Il convient donc d’agir vite, dès réception de la lettre de licenciement.
Quels recours et indemnités espérer ?
Si un licenciement est reconnu sans cause réelle et sérieuse, le juge peut proposer aux deux parties la réintégration du salarié (C. trav., art. L. 1235-3). Cette proposition n’est qu’une faculté donnée à la juridiction qui peut très bien, compte tenu des circonstances, sanctionner directement l’employeur par le paiement d’une indemnité.
La réintégration implique l’accord des deux parties. Le juge ne saurait l’ordonner malgré l’opposition de l’employeur. La réintégration n’est donc pas un droit pour le salarié.
À défaut de réintégration, le salarié a droit à des dommages et intérêts pour licenciement abusif.
L’article. L. 1235-3 du Code du travail fixe un montant minimum et maximum des dommages et intérêts que le juge peut accorder au salarié licencié sans cause réelle et sérieuse et qui n’est pas réintégré dans l’entreprise. Ils s’imposent donc au juge.
En dessous d’un an d’ancienneté, aucun plancher n’est fixé.
Par exemple, pour un salarié qui disposait d’une ancienneté de 5 ans au sein de l’entreprise, l’indemnité minimale est fixée à 3 mois de salaire et l’indemnité maximale fixée à 6 mois de salaire.
Les planchers et les plafonds fixés par l’article L. 1235-3 du Code du travail ne sont pas applicables lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d’une des nullités suivantes :
La violation d’une liberté fondamentale.
Il en va de même en cas de pluralité de motifs de licenciement, dont l’un porte atteinte à une liberté fondamentale. Mais le juge peut prendre en compte les autres griefs pour évaluer, dans la limite de la fourchette autorisée, l’indemnité à verser au salarié (C. trav., art. L. 1235-2-1) ;
Des faits de harcèlement moral ou sexuel ;
le caractère discriminatoire de ce dernier :
- consécutif à une action en justice en matière de discrimination, d’égalité professionnelle entre hommes et femmes ou de dénonciation de crimes et de délits,
- lié à l’exercice d’un mandat par un salarié protégé,
- prononcé en violation des protections dont bénéficient certains salariés en application des articles L. 1225-71 et L. 1226-13 du Code du travail.
En cas de licenciement nul, l’article L.1235-3-1 du Code du travail dispose que « lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois ».
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